1.4.2 - Faisabilité liée aux ressources

CONSEIL

Il est important de noter qu’une personne qui étudie la dynamique de population doit connaître le taxon et/ou l’habitat qu’il étudie et doit avoir connaissance des composantes de l’environnement qui l’influencent. La première phase d’une étude devrait débuter par la familiarisation avec le sujet d’étude.

CONSEIL

La réalisation d’un inventaire et d’une carte des habitats peut être de la compétence du gestionnaire familiarisé avec les méthodes de relevés phytosociologiques. La carte des grandes unités écologiques est facilement réalisable par tout gestionnaire.

 

1.4.2.1 Ressources humaines

1.4.2.2 Ressources matérielles

1.4.2.3 Ressources financières

1.4.2.1. Ressources humaines

Pour mener à bien des inventaires ou des actions régulières de surveillance ou de suivi, l’organisme gestionnaire s’appuie sur son propre personnel (s’il en a les compétences) et/ou fait appel au concours d’organismes ou de personnes extérieures (scientifiques, universités, bureaux d’études…). Les méthodes peuvent nécessiter des moyens humains variables. Le gestionnaire doit se poser un certain nombre de questions :

  • - Dispose-t-on de personnel formé pour prélever et traiter les échantillons ?
    Sinon, il faut prévoir une formation ou embaucher du personnel déjà formé.
  • - Maîtrise-t-on les méthodes d’analyse et d’interprétation des données ?
    Sinon, peut-on obtenir l’avis d’experts ? ou suivre une formation ?… si c’est impossible, il faudra changer la méthode et les indicateurs.

Une démarche d’équipe

Il est important de faire participer tous les acteurs (personnel de la réserve, scientifiques, intervenants extérieurs) pour bénéficier de compétences et de connaissances les plus larges possibles et les impliquer dans les phases techniques, bien avant les discussions sur les mesures à prendre.

La connaissance du site est de la responsabilité du gestionnaire. Mais selon l’objet, la complexité et la méthode préconisée, le gestionnaire n’aura pas toutes les  compétences pour mener l’étude dans sa globalité (voir page 53). 

Exemples pour les insectes :
La participation des spécialistes est très importante car ils sont souvent les seuls à posséder les ouvrages et les collections de référence permettant une détermination précise des espèces. Leur expérience est irremplaçable. La Société Entomologique de France (SEF) édite un annuaire de ses membres (800 personnes inscrites. Certains annuaires sont réalisés à l’échelle régionale (OPIE Languedoc-Roussillon).
Vous pouvez contacter l’OPIE pour connaître les personnes les plus compétentes près de chez vous (réseau d’entomologistes). L’OPIE a également des délégations souvent très dynamiques dans une dizaine de régions. 

Le gestionnaire pourra alors déléguer une partie ou la totalité de l’étude. Il devra alors s’adjoindre les services de spécialistes, soit pour réaliser l’ensemble de  ’étude ou tout simplement pour l’aider à définir le plan d’échantillonnage et la méthode de recueil des données sur le terrain, ou encore pour analyser et  nterpréter les données. Dans l’idéal, la mise au point d’un programme de suivi devrait être un processus faisant appel à la collaboration entre les gestionnaires  qui prennent des décisions, donc définissent des besoins) et les scientifiques (qui fournissent des conseils d’experts et interprètent les données, donc  recommandent les techniques les plus appropriées) (FINLAYSON, 1996). Par exemple, le suivi des densités de coques à la RN de la Baie de Somme est effectué  par le Groupe d’Etude des Milieux Estuariens et Littoraux.

Une démarche individuelle

Il est préférable que le suivi des différentes phases du programme soit assuré par le concepteur de toute la méthodologie, c’est-à-dire le gestionnaire seul ou  avec l’aide de spécialistes. Dans certains cas, quand le protocole d’inventaire est univoque et que les espèces sont facilement identifiables (détermination  aisée), le gestionnaire pourra effectuer lui-même l’ensemble des opérations qui visent à échantillonner, recueillir et analyser les données (Figure n°39). Cependant il ne faut pas négliger les contacts avec des scientifiques locaux ni les sources bibliographiques avant de se lancer dans un inventaire, ou pour le  valider.

    

Des compétences requises en matière de détermination

Photo n°35 : Les scientifiques face à une mousse dans la RN de Grand Pierre et Vitain.

Pour être valides, les inventaires doivent être effectués par une personne qui a une bonne connaissance du groupe concerné, bénéficiant de compétences particulières en matière de détermination des espèces à vue ou au chant, et sans ambiguïté. L’étude des chiroptères ne nécessite pas, par exemple, de savoir reconnaître les animaux à vue, mais d’être familiarisé avec les sons émis par les différentes espèces susceptibles d’être présentes, ce qui n’est pas évident. Les  problèmes liés à la détermination et au nombre important des espèces de certains groupes (les plantes, notamment au stade végétatif et/ou  particulièrement certains groupes (mousses, lichens…), les invertébrés, nombreux et difficiles à identifier à l’oeil nu et sans mise à mort…) rendent l’inventaire particulièrement difficile. Il sera parfois difficile de déterminer au delà du genre car le travail de détermination est trop fastidieux (voir aussi page 55).

Cette compétence peut se trouver au sein de l’organisme gestionnaire ou être recherchée à l’extérieur. Le plus difficile sera de trouver les spécialistes reconnus. On constate en France une insuffisance des structures et des professionnels. Il y a essentiellement des amateurs dont la disposition géographique est déséquilibrée. Du fait de la complexité taxonomique et des difficultés méthodologiques que présentent les insectes, les entomologistes ne sont compétents le plus souvent que sur un ordre, voire une famille. En France, il existe peu de spécialistes de chacun des différents groupes d’invertébrés. Par exemple, il existe peu de personnes compétentes pour les Diptères. Le gestionnaire pourra se renseigner auprès du Muséum national d’histoire naturelle, de l’ATEN, ou de RNF pour obtenir des contacts.

Il est déconseillé de faire réaliser les inventaires par des stagiaires qui n’ont aucune expérience dans le domaine concerné.

Un manque de temps ou de compétence de la part des gestionnaires

Photo n°36 : Araignée Dolomède. RN de la Tourbière des Dauges. La détermination des araignées est particulièrement difficile et doit faire appel à des spécialistes. La plupart ne peuvent être déterminées au niveau spécifique que par l’examen des structures génitales des adultes.
© CREN Limousin

Il ne faut pas chercher à vouloir faire tout soi-même. Si la compétence n’existe pas au sein de l’organisme gestionnaire, il ne faudra pas forcément chercher à l’acquérir car l’auto-formation est longue (la mobiliser éventuellement par exemple dans le réseau des réserves naturelles). De plus, le manque d’expérience peut entraîner des confusions en matière de détermination des espèces. Elles sont fréquentes avec les amphibiens et les reptiles malgré le faible nombre d’espèces. Par conséquent il est prudent de s’adjoindre la collaboration et les conseils de naturalistes et scientifiques reconnus.
La surveillance continue de facteurs de l’environnement notamment climatiques implique une charge de travail importante pour le recueil des données, qui est souvent hors de portée des gestionnaires (ou réalisé par d’autres). Le gestionnaire devra en priorité rechercher ces informations auprès des partenaires (météorologie nationale, universités, etc.).

Le gestionnaire a rarement les compétences requises pour des analyses physico-chimiques. Dans ce cas, il devra faire appel à un laboratoire de recherche pour le choix de la méthode de prélèvement ainsi que du protocole d’échantillonnage, et surtout l’analyse des données. Cependant, le coût de l’opération est fortement réduit si le gestionnaire réalise lui-même les prélèvements pour les fournir ensuite au laboratoire qui traitera les échantillons et les données.
Les équipes de gestionnaires sont souvent réduites et leur charge de travail englobe toutes les parties du plan de gestion, donc aussi le suivi administratif. Une autre limite est donc la disponibilité du gestionnaire.
Les conditions de sécurité du personnel sont également importantes à respecter.

1.4.2.2. Ressources matérielles

Selon le groupe étudié et le type d’étude réalisée, le matériel est plus ou moins élaboré. Le gestionnaire doit se poser des questions sur la disponibilité et la fiabilité des matériels : a-t-on un matériel spécialisé fiable pour le prélèvement et l’analyse des échantillons ? Sinon, peut-on l’obtenir à l’université, dans un centre de recherche, un laboratoire ? Faute de quoi, il faudra changer la méthode et les indicateurs.

Le matériel adéquat

Photo n°37 : Le personnel de la réserve naturelle relève des échantillons dans les pièges (ici le piège Malaise dans
la RN de la Vallée d’Eyne) afin de les envoyer à un spécialiste pour la détermination. © V. FIERS.
Photo n°38 : Station météorologique de la RN de la Forêt de la Massane. ©V. FIERS.

Les techniques de capture et de piégeage nécessitent l’utilisation d’un matériel bien spécifique plus ou moins spécialisé selon l’objet étudié :

  • de simples jumelles ou des filets pour les oiseaux,
  • différents types de pièges pour les micromammifères,
  • un détecteur d’ultrasons pour les chiroptères,
  • des pièges au sol ou un filet lesté pour les amphibiens,
  • des pièges d’attraction pour les reptiles,
  • des pots Barber, assiettes jaunes, filet à papillons, filet troubleau, piège

Malaise (Photo n°37) ou encore parapluie japonais pour les invertébrés, - station météorologique (Photo n°38) pour les températures, la pluviométrie, etc.

 

 


 

Dans la Réserve Naturelle de Nohèdes par exemple, le matériel utilisé pour l’inventaire des chiroptères est le suivant :

- un phare halogène pour les observations nocturnes directes,

- des détecteurs d’ultrasons pour déterminer les espèces, sinon le genre, - des filets japonais pour les captures (voir Tableau n°12).

 

Tableau n°12 : Stations de capture au filet dans la RN de Nohèdes (MEDARD, 1993)

Lieu-dit Filets Longueur totale
nbre nuits x longueur
1 Esquerdes 2x6m et 2x9m (vieux verger)
12m (pont sur rivière)
42 mètres
2 Conat-village 2 nuits : 9m et 9m
(en travers de la rivière)
36 mètres
3 Bemouze
(Nohèdes-village)
12m (chemin)
9m (en travers de la pente)
21 mètres
4 Jujols,
1km sous le village
2x9m et 6m
(mares artificielles)
24 mètres

Le bricolage interne

Dans certains cas, le matériel peut être fabriqué de manière artisanale et donc revient à un moindre coût (cas de certains pots-pièges entomologiques réalisés à l’aide de gobelets en plastique ; ou des cages pour le piégeage des micromammifères). Le gestionnaire de la RN du Platier d’Oye a fabriqué des pièges à micromammifères de manière artisanale. Il s’agit d’une cage grillagée reposant sur un socle ou encore d’une succession de boîtes de conserves.

Les pièges d’attraction pour les reptiles sont par exemple constitués de matériaux artificiels déposés sur le sol et destinés à faciliter les observations : des plaques de plastique blanc, de fibrociment ou des bâches noires que le gestionnaire pourra facilement se procurer.

Les fournisseurs et associés

Pour certaines mesures, notamment de paramètres physico-chimiques, les matériels doivent être achetés chez les fournisseurs spécialisés (voir aussi page 61).  Ils sont souvent coûteux.

Dans la grande majorité des cas, l’entomologie nécessite une toute autre approche méthodologique que celle utilisée pour les vertébrés et demande un minimum de moyens : matériel optique (loupe binoculaire, microscope), instruments et dispositifs de prélèvement sur le terrain, outils de dissection, ouvrages et documentation spécialisés, conservation des spécimens à sec ou en alcool etc., dont le coût est en général élevé. Les moyens et les conditions (coût, durée, fréquence des échantillonnages, disponibilité importante, etc.) apportées à la réalisation de ces études sont rarement en rapport avec le but recherché.

D’après DOMMANGET, 1997 et 2000.

Le matériel est parfois difficile à utiliser par les gestionnaires (cas de certains appareils de mesures des relevés physico-chimiques par exemple). Il peut être avantageux de faire appel à un expert indépendant ou de s’associer avec un laboratoire ou tout autre partenaire. Pour la pêche électrique, le matériel comprend entre autres un groupe électrogène. L’association avec une société de pêche ou le Conseil Supérieur de la Pêche est alors indispensable. Le gestionnaire pourra se référer au document édité par RNF (FIERS et coll., à paraître) pour approfondir la question.

1.4.2.3. Ressources financières

Photo n°39 : Le piège entomologique composite,
développé par un universitaire, peut être fabriqué par le gestionnaire. Il a été utilisé dans la RN du Ravin de Valbois pour l’inventaire des invertébrés. ©  V. FIERS.

Moyens humains et matériels nécessitent de raisonner en terme de coût car celui-ci varie énormément d’une méthode à l’autre et conditionne indirectement les résultats que l’on peut obtenir. Il faudra évaluer la compatibilité des coûts d’acquisition et d’analyse des données avec le budget disponible : a-t-on le support matériel et financier suffisant ? Sinon simplifier le programme ou l’abandonner mais ne pas en réduire la rigueur. La recherche de l’exhaustivité coûte très cher et ne semble pas devoir être généralisée à tous les recensements (uniquement pour un premier inventaire).

Il est certain que des méthodes, comme le baguage, sont précises mais coûteuses et longues : elles demandent des moyens humains importants (TAYLOR et al., 1985). Elles peuvent être mises en place par le personnel responsable de la gestion, mais en lien étroit avec des professionnels. Dans un espace protégé, elles ne se justifient que lorsqu’on a besoin d’identifier des individus ou de répondre à des objectifs particuliers.

Les moyens financiers nécessaires aux études ont normalement été prévus au budget dans le cadre de la rédaction du plan de gestion et planifiés pour les cinq ans du plan de travail (RNF, 1998).