2.2.4 - Considérer les erreurs d’acquisition de données
2.2.4.1 Erreurs dues à l'observateur |
Les limites de la méthode fixent la marge de manoeuvre lors de l’interprétation des résultats. Il faut avoir conscience des biais possibles d’une méthode.
Photo n°48 : La photographie permet, pour certaines espèces, de constituer une collection de référence. © A. CHIFFAUT. |
Photo n°49 : Plusieurs observateurs recherchent des insectes dans la tourbière de Kerfontaine (Bretagne). © M. MAGNIER / SEPNB-BRETAGNE VIVANTE. |
2.2.4.1 Erreurs dues à l’observateur
Il peut exister une différence entre les observateurs, et les effets de la période de la journée et du temps peuvent avoir une influence sur les comptages. Dans le tableau n°13, on voit que A capture deux fois plus d’araignées que B.
Tableau n°13 : Comparaison de résultats obtenus par deux opérateurs | |||||
Familles d'araignées | Opérateur A | Opérateur B | Test t t95=2,10 t99=2,88 |
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moy | var | moy | var | ||
Théridiidés | 1,5 | 1,83 | 0,4 | 0,27 | 2,28 |
Erigonidés | 13,7 | 66,5 | 6,9 | 13,9 | 2,28 |
Linyphiidéa | 8 | 13,3 | 3,2 | 8,6 | 3,07 |
Hahniidés | 1 | 1,11 | 0,8 | 0,84 | 0,43 |
Lycosidés | 2 | 2,2 | 1,7 | 4,5 | 0,35 |
Gnaphosidés | 2,3 | 5,1 | 2,3 | 13,8 | |
Clubionidés | 7,3 | 19,1 | 3 | 6 | 2,57 |
Thomosidés | 4,1 | 5,7 | 2,7 | 5,3 | 1,27 |
Salticidés | 2,9 | 9,4 | 1,2 | 2,2 | 1,5 |
Autres familles | 1,3 | - | 1,2 | - | - |
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44,1 | 210,3 | 23,4 | 46 | 3,88 |
Source : d'après A. CANARD, 1981 |
Figure n°49 : Nombre de tortues détectées en fonction du temps passé sur le transect (heures). Source : LYET et al., 1998. |
D’après POLLARD (1981), il est nécessaire de savoir comment varient les comptages en fonction des différentes personnes sur le terrain, et d’être sûr que les variations ne sont pas importantes à différents moments de la journée et dans différentes conditions climatiques.
La vitesse de déplacement de l’observateur le long du transect va affecter de façon importante la détection. Une vitesse réduite (donc un temps de comptage plus long) va allonger le temps d’écoute et augmenter l’efficacité de balayage visuel, donc accroître les chances de contacter un individu, (voir Figure n°49).
Le long d’un transect, si la vision permet de couvrir un champ d’environ 140° (en procédant à un balayage par pivotement de la tête de gauche à droite), l’ouïe rend possible la détection de certains animaux quelle que soit leur position autour de l’observateur (Figure n°50).
Figure n°50 : Champ de détection visuel (fig. a) et auditif (fig.b) d’un observateur au point O. Source : LYET et al., 1998. |
Lorsque les analyses statistiques utilisent des données qui font appel à des observations subjectives (classement des espèces, estimation du recouvrement d’un relevé phytosociologique…) cela pose des problèmes de reproductibilité. Si l’analyse statistique de données issues de mesures subjectives n’est pas réalisée par la même personne à chaque fois, il sera difficile de minimiser les erreurs. Une variété de facteurs affecte les comptages, mais leur influence peut être petite en comparaison des variations observées dans la taille des populations. Un vent fort peut affecter l’activité des papillons, mais peut aussi réduire l’habilité d’un gestionnaire à voir les papillons dans la végétation en mouvement.
2.2.4.2 Erreurs dues à l’espèce
Si une espèce n’est pas observée suite à un inventaire, cela ne signifie par qu’elle est absente. La plupart des oiseaux sont habituellement des espèces discrètes. Dans l’intervalle de temps pendant lequel se déroule un comptage, seule une faible proportion de la population peut être contactée car une partie importante du temps est consacrée au repos. Seuls les individus actifs constituent la part de la population qu’il est effectivement possible de détecter (LYET, 1998).
Même si le gestionnaire se rend sur le terrain avec un protocole bien défini, il se peut qu’il ne puisse pas observer l’espèce recherchée, soit parce qu’il ne la voit pas ou ne l’entend pas, soit parce que le stade végétatif ou phénologique de l’espèce ne permet pas son observation. Il est par exemple improbable que tous les oiseaux nicheurs chantent ou volent en même temps, ce qui induit un biais inévitable qui ne dépend pas du nombre d’échantillons (Figure n°51 ci-contre).
Probabilité d’observation
Certains facteurs ont une influence sur la probabilité de détecter une espèce. Pour les oiseaux par exemple, l’observation visuelle ou auditive ne dépend pas seulement de l’espèce, mais aussi de son sexe, son âge, son stade dans le cycle de reproduction, de son cycle d’activité. La saison, les conditions météorologiques et le bruit peuvent aussi influencer.
Tableau n°14 : Le potentiel d’observation d’une population d’espèces végétales |
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Problème rencontré avec l’espèce | Cause du problème |
Vue mais non reconnue | L’observateur ne connaît pas l’espèce qu’il observe (problème de détermination). |
Manquée | L’observateur n’a pas vu l’espèce alors qu’elle était présente. |
Reconnaissance taxonomique |
L’observateur est en présence d’une sous-espèce non reconnaissable. |
Rencontre spatiale | L’observateur ne se trouvait pas dans l’aire de répartition de l’espèce (problème d’échantillonnage |
Lisibilité du taxon | L’observateur ne sait pas reconnaître l’espèce à son état végétatif |
Cycle phénologique | Le stade phénologique de l’espèce ne permet pas de la rencontrer |
Banque de sol | L’espèce est présente sous forme de graine dans le sol uniquement. |
Source : V. BOULLET., intervention lors d’un colloque. |
Le tableau n°14 permet d’illustrer différents cas de figures pour les espèces végétales. La banque du sol (graines…) ne doit pas être négligée et de nombreuses espèces peuvent être présentes sous forme végétative mais invisibles à cause des conditions climatiques (bulbe, rhizome,…). Une espèce rare peut être présente, mais sous forme de graines en dormance dans le sol uniquement ! |
Détermination
Quand bien même une espèce est détectée, il se peut qu’elle soit difficile à déterminer. Certaines espèces ne sont d’ailleurs reconnaissables que par des spécialistes, comme les macrophytes ou les mousses. Pour certaines plantes, notamment les orchidées ou encore pour les amphibiens (tritons et principalement grenouilles vertes) il est possible de confondre les hybrides.
Il faut garder à l’esprit que le développement de certaines espèces se fait en plusieurs phases. Par exemple, pour les insectes aquatiques, les larves et les adultes ne vivent pas dans le même milieu. La présence d’un insecte à un endroit ne signifie pas forcément qu’il vit là à un autre stade. Pour les odonates, l’état larvaire est primordial pour valider la présence effective de l’espèce sur le site.
Sources d’erreurs lors des suivis d’oiseaux - méthodes : elles présentent toutes des biais. - protocole de l’étude : le choix du plan d’échantillonnage conditionne la fiabilité de l’étude (sélection des sites, durée et période d’échantillonnage). - habitat : les comptages peuvent être biaisés par la composition et la structure de la végétation. - oiseaux : détectabilité différentes en fonction des espèces, du sexe, de la saison. - conditions météorologiques : il est souvent recommandé de standardiser les conditions climatiques pour effectuer les comptages d’oiseaux (beau temps). - effet de lisière : l’effet de lisière représente une hétérogénéité du milieu qui agit sur le peuplement d’oiseaux en affectant son abondance et sa richesse. Cependant certains espaces sont très hétérogènes et le protocole d’étude intègre cette particularité.
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2.2.4.3 Erreurs dues au milieu
Le milieu peut affecter les potentialités d’observation. Une couverture végétale importante va considérablement diminuer la visibilité. Ainsi, par exemple, dans un maquis dense, il est impossible de détecter visuellement une Tortue d’Hermann au delà d’un rayon de 2,5 m (LYET, 1998).
Les caractéristiques du sol vont, quant à elles, principalement affecter les capacités de détection auditives des espèces qui se déplacent au sol. En effet, le déplacement d’un animal sur une litière de feuilles sèches est perceptible de très loin. Un sol nu ou enherbé va, au contraire, atténuer les sons et en diminuer la portée.
Photo n°50 : Manipulation d’échantillons au retour du terrain. |