Préambule

Les termes d’inventaire, de surveillance et de suivi sont bien souvent utilisés de manière approximative. Ils ont pourtant chacun une signification propre, des définitions claires, qui permettent de ne pas les confondre.

Qu’est-ce qu’un inventaire,une surveillance, un suivi ?
Démarche méthodologique à suivre pour mener à bien une étude
Relations entre études scientifiques et plan de gestion

 

 

Qu’est-ce qu’un inventaire, une surveillance, un suivi ?

Inventaire :

C’est quoi ?

Un inventaire est un «ensemble d’observations quantitatives et qualitatives et de mesures utilisant des protocoles normalisés, réalisées en une période de temps limitée» (HELLAWELL, 1991). On peut ajouter que les inventaires sont effectués selon des dispositifs d’échantillonnage représentatifs.
FINLAYSON (1996) précise que cet exercice est effectué «sans idées préconçues quant à la teneur des résultats». LHONORE (2000) propose une définition proche : «recensement le plus exhaustif possible d’un ensemble de données taxonomiques sur une aire géographique précise et durant une période de temps limitée». Un inventaire correspond donc à une campagne de collecte de données.

Exemples :
- Inventaire de la flore et de la faune sur les fonds rocheux de l’archipel des Sept-Iles .
- Cartographie des associations végétales et estimation de leur surface dans les réserves naturelles ou les sites Natura 2000.
- Estimation de la population de chiroptères dans une grotte

A quoi ça sert ?
Un inventaire vise à fournir des connaissances de base bien définies dans le temps et dans l’espace «permettant ultérieurement un suivi scientifique et une gestion écologique» (LHONORE, 2000). La donnée minimum que l’on tire d’un inventaire est de type présence-absence comme la présence de taxons végétaux, dans un endroit donné et à un moment donné. Des informations quantitatives (effectifs, poids…) ou qualitatives (comportement…) peuvent compléter cette donnée minimum.
Ces informations sont généralement utiles pour la rédaction de la partie «Analyse descriptive du site» d’un plan de gestion de site (RNF, 1998).

Exemples :
- Surveillance de routine, observations de terrain pour être à l’écoute du site (nouveaux problèmes, nouvelles espèces…),
- Surveillance continue sur des stations de référence, pour mesurer quantitativement, sans présupposer une évolution (potentielle),
- Comptage annuel du nombre de pieds fleuris d’une espèce végétale rare,
- Relevés climatologiques journaliers,
- Comptages mensuels de canards durant la saison hivernale,
- Cartographie annuelle des formations végétales,
- etc.

Surveillance :

C’est quoi ?

Une surveillance est un «programme étendu d’inventaires systématiquement mis en oeuvre afin de fournir des séries temporelles d’observations et de mesures» (HELLAWELL, 1991). La surveillance consiste donc en «une série de collectes de données (série d’inventaires) répétées dans le temps» (FINLAYSON, 1996), sans hypothèse particulière, sans question préalable et sans idée préconçue sur l’évolution des paramètres mesurés. C’est le cas des données météorologiques ou des comptages d’oiseaux par exemple. L’objectif est principalement descriptif : disposer des données de base. On emploie parfois le terme de surveillance continue.

A quoi ça sert ?
La surveillance est «destinée à vérifier l’importance de la variabilité et/ou de la gamme de valeurs de certains paramètres, permettant d’estimer les modifications et les évolutions sur le long terme» (HELLAWELL, 1991 ;
FINLAYSON, 1996).

Exemples :
- Suivi finalisé, pour vérifier que l’évolution de la population, ou du phénomène, va dans la direction souhaitée ou reste dans des normes souhaitées
… et sinon réagir,
- Suivi scientifique de la gestion : suivi de l’effet du pâturage sur la végétation (on connaît l’état initial de la végétation grâce aux inventaires).
- Mesures régulières des taux de nitrates et phosphates d’une lagune littorale fortement eutrophisée pour tester l’efficacité des mesures prises dans le bassin versant et réduire les apports.
- Mesures des paramètres chimiques de l’eau pour vérifier la pollution…

Suivi :

C’est quoi ?

Face à un problème bien identifié, le suivi repose sur une série de collectes de données répétées dans le temps. Il est basé sur la surveillance et consiste à recueillir systématiquement dans le temps des données et autres informations. Il diffère de la surveillance en ce sens qu’il est plus précis et vise des cibles ou buts spécifiques et que l’on a une raison spécifique pour recueillir les données et informations. Il est mis en oeuvre pour «vérifier le niveau de conformité avec une norme ou position prédéterminée, en référence à un standard prédéterminé (ex. : état de référence) ou à un état recherché» (HELLAWELL, 1991 ; GOLDSMITH, 1991 ; FINLAYSON, 1996).

A quoi ça sert ?
Le suivi aborde la question générale du changement ou de l’absence de changement dans le temps et dans des sites particuliers. Il est établi pour détecter des tendances présupposées dans l’évolution des milieux, des espèces, des facteurs écologiques… ou pour répondre à des questions claires. C’est le cas de l’évaluation d’une opération de gestion. Ainsi l’interprétation des données pourra se faire en référence à un modèle choisi et prédéterminé au début de la mise en place du suivi (placette témoin pour la végétation par exemple).

  Derrière les mots parfois la confusion
Au vu des définitions précédentes, on constate qu’inventaire et surveillance diffèrent du suivi propre. La distinction entre un inventaire, une surveillance et un suivi porte essentiellement sur la durée et la finalité de l’opération.

 

Tableau n°1 : Synthèse des définitions
Inventaire Surveillance continue Suivi
Ensemble d’observations qualitatives ou quantitatives. Programme étendu d’inventaires
systématiquement mis en oeuvre.
Basé sur la surveillance (besoin des données de base). Recueil systématique dans le temps des
données et autres informations.
Sans idée préconçue quant aux résultats. Sans idée préconçue quant aux
résultats, sans hypothèse à priori,
sans idée précise sur l’évolution
des paramètres mesurés.
Cible des objectifs bien précis. Il y a toujours une
hypothèse de départ. On a une idée, même vague,
des résultats que l’on pense obtenir.
Permet d’accumuler des données de base. Fournit des séries temporelles
d’observations et de mesures
(données de base) pour estimer
des tendances.
Vérifie le niveau de conformité avec une norme ou position prédéterminée.
Permet de détecter des tendances présupposées dans l’évolution des milieux, des espèces, des facteurs écologiques.
Les résultats du suivi permettent de définir des actions de gestion.
Bien défini dans l’espace et le temps (une période limitée).
Court terme (souvent une seule fois).
 
Moyen ou long terme (même
permanent).
Moyen ou long terme, mais avec finalisation.
Les données sont recueillies sans raison autre que la connaissance de base. On a une raison pour recueillir les données et autres informations.

Source : d'après PERENNOU et al. 1999

Si la différence entre inventaire ou suivi est évidente, il est beaucoup moins évident de faire la différence entre les termes de surveillance et de suivi qui sont pourtant deux choses différentes, bien que souvent confondues par les
gestionnaires (la confusion domine aussi dans la littérature). L’amalgame est souvent fait entre ces deux termes car les opérations qui en découlent sont étroitement liées. Un programme de suivi peut d’ailleurs résulter de l’analyse d’une surveillance continue (PERENNOU et al., 1999). Le passage de l’un à l’autre n’est pas automatique. ROBERTS (1991) pense que surveillance et suivi ne sont pas réellement différents. Le suivi consiste habituellement à surveiller dans le temps. Ce n’est rien d’autre qu’une série de surveillances répétées pour détecter des changements. Il précise que si on en connaît suffisamment sur la façon dont chaque surveillance a été réalisée, cette dernière peut être convertie en «suivi». Mais ce ne sera pas toujours le cas. Par exemple, des données d’un programme de surveillance de la flore d’un site pâturé, même précises, fréquentes et accumulées pendant des années, ne permettront pas automatiquement de répondre à une question précise formulée a posteriori : seul un programme de suivi élaboré autour de cette question (et donc postérieur à sa formulation) le permettra.

Et la recherche dans tout ça
Un programme de recherche, bien plus qu’un suivi, vise avant tout à réaliser des recueils de données dans des conditions bien particulières afin de vérifier les hypothèses de départ, après traitement statistique des données et analyse des résultats. En ce sens, les échantillons peuvent être soumis à des contraintes particulières de type expérimental (par exemple étude de la germination d’une plante à partir de la collecte de graines à des profondeurs
variées de sol et soumises en laboratoire à différentes conditions de milieu).
La recherche fait partie des opérations à programmer dans le cadre du plan de gestion (RNF, 1998). Sauf cas particuliers, la mise en oeuvre de programmes de recherche n’est pas de la responsabilité du gestionnaire, mais s’associer avec des chercheurs (laboratoires de recherche, réalisation de thèses) permet de mieux comprendre le fonctionnement du site et d’utiliser des moyens qui ne sont pas à la portée de petites structures, donc hors du cadre «plan de gestion» (modélisation d’un bassin versant par exemple). Certains organismes gestionnaires de réserves naturelles participent d’ailleurs à des programmes de recherche.

Démarche méthodologique à suivre pour mener à bien une étude

D’après FINLAYSON (1991), le cadre de la conception d’une étude peut se résumer en plusieurs phases importantes indiquant la démarche à respecter (voir Figure n°1). Ces étapes induisent notamment une série de questions auxquelles le gestionnaire se trouve confronté et auxquelles il doit tenter de répondre. Chaque question est importante et devrait être résolue avant de démarrer toute étude (USHER, 1991 ; ROBERTS, 1991). Les plus immédiates sont:

1. «Quels sont mes objectifs ?» :
Quel est le but de l’étude ? Quelles sont les données requises ?
2. «Que dois-je suivre ?» :
Quelles espèces ? Quelle échelle ? Qu’est-ce qui peut être obtenu par la lecture d’études existantes ? Quelle est la taille de l’échantillon, etc…
3. «Comment vais-je procéder ?», «Quand ?», «Avec quelle fréquence ?» :
Comment l’objectif peut-il être atteint ? Comment obtenir les données souhaitées ? Quelle méthode utiliser ? Combien de stations de prélèvement ?
Comment choisir les aires d’échantillonnage ? Combien cela va coûter (temps, argent) ? Quelles sont les sources de biais ? Comment les résultats vont être enregistrés ? Cela implique de décider des techniques d’échantillonnage et de relevés sur le terrain.
4. «Est-ce que les méthodes sont suffisantes ?»
Est-ce que l’on a besoin de mesurer d’autres variables ?
5. «Comment fonctionne l’analyse ?»
Est-ce que la taille des échantillons est suffisante ? Sous quelle forme se présenteront les données qui seront collectées périodiquement ? Quelles méthodes statistiques sont facilitées par l’utilisation de l’ordinateur ?
6. «Que signifieront les données ?»
7. «Quand l’objectif visé sera-t-il atteint ?»
Pour plus d'information consultez Tornàs Vives (19996) "Suivi des zones humides méditerranéennes. MedWet."

L’élaboration d’une méthode scientifique implique donc une série de choix ou de décisions ayant toutes des répercussions les unes sur les autres.
Ces différentes phases, plus ou moins détaillées dans les chapitres qui suivent fixent des principes généraux et des recommandations pour aider le gestionnaire dans sa démarche de mise en place d’un programme d’inventaire, de surveillance ou de suivi dans l’espace naturel qu’il gère.

  Toute action à réaliser par le gestionnaire pour mener à bien une étude se place ainsi dans trois grandes catégories :
- Le travail préparatoire, avant de se rendre sur le terrain,
- La collecte des données qui correspond à la phase de terrain,
- L’analyse des données et l’exploitation des résultats qui a lieu après la phase de terrain,
- A celles-ci s’ajoute la valorisation des résultats.
Ces grandes catégories d’actions sont détaillées dans les chapitres A à D du présent document.

 

Relations entre études scientifiques et plan de gestion

 
  

 

 

  Ce guide méthodologique est destiné en priorité aux organismes
gestionnaires d’espaces naturels bénéficiant d’un plan de gestion ou d’un document d’objectifs (abouti ou en cours de rédaction) et dont un des rôles est d’améliorer la connaissance du patrimoine naturel et d’évaluer son état de conservation. La connaissance que le gestionnaire a acquis en réalisant le plan de gestion du site (RNF, 1998) est utile dans les différentes étapes de la réflexion visant à définir des choix pour mettre en place une étude (voir chapitre A.3. page 19). Inversement, de nombreuses données recueillies sur le
terrain servent de base de connaissance pour la rédaction du plan de gestion.
Aussi, les résultats des études menées permettent de répondre aux questions restées en suspend lors de la réalisation du plan de gestion. Il existe ainsi un lien étroit entre plan de gestion et études menées dans les sites, lequel correspond à une une succession d’étapes bien identifiées qui peuvent être mises en relation (voir Figure n°2).
 

Analyse descriptive

Un des objectifs du gestionnaire est de réaliser un état zéro du site, sorte de situation de référence (état initial, état des lieux) à partir duquel il sera en mesure d’évaluer les changements liés à la dynamique des populations, aux contraintes d’origine anthropique ou encore aux opérations de gestion. Dans les espaces naturels, les inventaires sont donc essentiels et répondent avant tout à un souci de connaissance du patrimoine naturel (espèces et habitats), étape préalable indispensable à la mise en place d’un suivi ou d’une surveillance. Leurs résultats sont indispensables à l’élaboration du plan de gestion (section A : Analyse descriptive du site) et à la définition des opérations visant au bon état de conservation de ce patrimoine naturel. Cette connaissance est aussi précieuse pour orienter les prospections sur le terrain (DUPONT et al., 1997), et notamment définir les modalités de l’échantillonnage (connaissance du milieu pour choisir le plan d’échantillonnage, etc.).

 

Evaluation patrimoniale et définition des objectifs

L’évaluation patrimoniale et fonctionnelle, réalisée dans le cadre de la
rédaction du plan de gestion, est souvent l’outil de base utilisé par le
gestionnaire pour définir les objectifs et les priorités de suivi ou de
surveillance. En effet, le gestionnaire concentrera ses efforts (parce que ses moyens sont limités) sur les espèces ou habitats les plus caractéristiques, les plus menacés ou pour lesquels le site a une responsabilité plus ou moins importante en matière de conservation. Pour permettre une évaluation fine de cette valeur patrimoniale le gestionnaire doit au préalable avoir réalisé l’inventaire le plus complet possible des espèces présentes sur le site.
La surveillance (série d’inventaires réalisés à intervalles réguliers) permet d’établir des cartes de répartition dont les données contribuent à apprécier l’évolution spatiale et temporelle des populations ou des habitats.

 

Planification de la gestion

La section C du plan de gestion (Description des opérations de gestion) permet de planifier les opérations d’inventaire, de surveillance ou de suivi dans le temps et dans l’espace. Leur faisabilité au moment de la mise en oeuvre des actions programmées est alors à mettre en relation avec le budget qui a été défini dans le plan de gestion. Inversement, l’analyse des résultats des études menées peut servir à définir de nouvelles actions de gestion.

 

Evaluation du plan de gestion

Les nouvelles données recueillies par les diverses études menées sur les sites servent à évaluer le plan de gestion. La rédaction des objectifs de gestion implique, dans la majeure partie des cas, la réalisation de suivis permettant de savoir, à plus ou moins long terme et notamment lors de l’évaluation, si les objectifs que se fixe le gestionnaire de l’espace naturel ont été atteints ou non, ou pour connaître leur degré de mise en oeuvre (section D «Évaluation du plan de gestion»). Ils sont donc utiles pour évaluer l’efficacité des opérations de gestion (DELANOË, 1998 ; RNF, 1998).