1.1.1 - Définir clairement et sans ambiguïté la problématique

 

1.1.1.1 Un besoin de connaissance pour le plan de gestion

1.1.1.2 Un besoin de résoudre un problème observé

 

Définir la problématique consiste à identifier :

  • les questions restées en suspend dans la rédaction du plan de gestion, et notamment les besoins nouveaux de connaissance (inventaires) et de surveillance du patrimoine naturel du site et des facteurs extérieurs qui agissent sur les populations et les habitats, résultant de la nécessité de mieux comprendre le fonctionnement du site. Comprendre le fonctionnement permet de repérer les menaces éventuelles, dont d’anticiper et d’agir,
  • les nouvelles questions liées à la gestion du site (évaluation des opérations),
  • les phénomènes observés sur le terrain, résultant d’un écart entre une situation ou un résultat actuel et une situation ou un résultat attendu ou souhaité.

1.1.1.1 Un besoin de connaissance pour le plan de gestion

Photo 1 : Mesure de la qualite de l'eau dans la RN de St Quentin en Yvelines

© Syndicat Base de Loisirs

Pour certains sites situés en zone humide, les principales problématiques sont liées à la qualité de l’eau superficielle ou dans le sol.

La plupart des problématiques liées à la gestion d’un espace naturel géré sont identifiées au cours de la rédaction du premier plan de gestion, le gestionnaire étant amené à faire le bilan des études existantes et à évaluer les manques en matière de connaissance du milieu. Au cours de cette rédaction, de nombreuses questions restent généralement en suspend quant à la compréhension du fonctionnement écologique, notamment si les études préalables (inventaires) sont peu nombreuses.

Le gestionnaire a comme objectif d’avoir une bonne connaissance du patrimoine naturel et du milieu dont il a en charge la gestion.

Définir la problématique est donc à relier avec la définition des objectifs de gestion du site puisque cela revient à définir les actions à entreprendre pour une meilleure connaissance du site et donc la stratégie des études à mener : identifier le ou les domaines à étudier en priorité (par exemple un groupe taxonomique caractéristique d’un habitat particulier ou les espèces ou les habitats les plus remarquables).
Pour répondre aux questions sur le fonctionnement du site, le gestionnaire aura parfois recours à la recherche (partenariat avec un laboratoire universitaire ou un organisme de recherche) pour lui permettre de caractériser, par exemple, un fonctionnement hydrologique.

Si le niveau des connaissances sur la réserve s’avère suffisant pour comprendre le fonctionnement du site, le gestionnaire se contentera de s’assurer de la présence de populations ou d’habitats à des effectifs ou des surfaces satisfaisants (et d’évaluer la représentativité des populations du site par rapport aux effectifs nationaux), d’où la nécessité de mettre en place une surveillance continue.

1.1.1.2 Un besoin de résoudre un problème observé

Photo n°2 : Vue aérienne de la RN de l’Ile du Girard. © L. TERRAZ.
Pour certains sites alluviaux, la problématique sera liée à la préservation d’une dynamique fluviale, dépendante de l’aménagement de l’ensemble de
la vallée où se situe l’espace naturel.

Dans les espaces naturels protégés, des facteurs liés à des tendances naturelles ou induites par l’homme pèsent généralement sur les sites (dynamique de la végétation, fréquentation humaine, activités de gestion…).

Ces facteurs externes ou internes au site naturel sont identifiés lors de la rédaction du plan de gestion. Définir la problématique consistera aussi à se poser les questions pour tenter de résoudre les phénomènes observés et plus ou moins difficiles à expliquer dans un premier temps. Cela consistera à identifier une série de problèmes dont les éléments sont liés les uns aux autres. Dans les réserves naturelles, les objectifs sont souvent liés à un besoin de démontrer l’évolution d’une population en lien avec les variations de certains paramètres. Par exemple : présence de plantes et taux de salinité ou niveau de l’eau ; dérangement de la faune et fréquentation humaine, etc.).

  

      

Evolution naturelle

Les populations d’espèces ou la répartition des habitats peuvent subir des évolutions naturelles (dynamique végétale spontanée (Photo n°3), changements climatiques par exemple). Le gestionnaire peut participer à des études à long terme pour mesurer l’impact de certains phénomènes écologiques intervenant dans les écosystèmes. Mais la détection des changements écologiques globaux par la mesure de paramètres indicateurs nationaux est souvent peu pertinente pour le gestionnaire de terrain (il s’agit le plus souvent d’objectif d’organismes ou de conventions internationales, etc.). Le gestionnaire doit en priorité s’attacher à appréhender l’évolution des habitats et de certaines espèces remarquables du site dont il a la responsabilité, même si par ailleurs il doit tenter d’avoir une démarche globale (voir chapitre 1.1.2.1.).

Dans les écosystèmes, il y a souvent trois types de changements :

- Processus lents (changements successifs) qui peuvent être extrêmement longs, donnant l’impression d’une stabilité (dynamique des populations qui ont une vie longue, développement du sol, etc.). Mais la succession est un processus écologique normal qui résulte dans un changement graduel des communautés et la disparition ou l’apparition éventuelles d’espèces.

- Evénements rares ou phénomènes épisodiques 

perturbations de type : incendie, inondation, température excessive ou anormalement basse, sécheresse, tempête, développement d’espèces invasives, etc. Certains de ces évènements peuvent avoir un effet bénéfique à long terme mais les conséquences immédiates sont souvent destructrices.

- Changements cycliques, processus subtils et phénomènes complexes : ce sont ceux qui changent dans le temps, par exemple : acidité de l’eau. A court terme, ils peuvent être très dramatiques dans leurs effets, mais contribuent habituellement à la persistance des populations. Cela inclut les relations prédateurs - proies.

Dans la réalité les trois phénomènes peuvent être simultanés ou se superposer.

Voir aussi HOLLIS et FINLAYSON (1996).
Changements écologiques
dans les zones humides méditerranéennes


Photo 3 : La colonisation des pelouses calcaires par des espèces ligneuses a cnduit le gestionnaire de la RN du Ravin de Valbois à engger un chantier de défrichage © DOUBS -NATURE - ENVIRONNEMENT

Source : d'après HELLAWELL (1991) et LIKENS (1987)


Fréquentation humaine

Une des problématiques du gestionnaire consiste à concilier protection de la nature et accueil du public (Photo n°4). Le but de la plupart des suivis qui découlent de cette problématique est d’en mesurer l’impact. Certains éléments recueillis lors de la rédaction du plan de gestion permettent de caractériser les activités humaines et ainsi d’identifier certaines problématiques qui y sont liées (exemple : conservation des espèces d’oiseaux et activités de chasse, ski hors piste ou raquette et population de Grand Tétras).

Evaluation de la gestion

Photo n°5 : Le pâturage évite la fermeture des milieux herbacés. Ici un berger dans la RN Coussouls de Crau. © J. BOUTIN / DIREN PACA.

Aussi, la mise en oeuvre du plan de gestion fera naître de nouvelles problématiques découlant du besoin d’expliquer les effets de certaines pratiques. Les influences majeures sur l’écosystème sont souvent causées par des activités humaines in situ ou ex situ ou leur abandon (colonisation des ligneux suite à l’arrêt du pâturage) dans certaines pelouses calcaires, parfois par manque de berger.

Le gestionnaire mettra en place des programmes de suivi pour mettre en évidence les liens entre résultats obtenus et mode de gestion et l’atteinte ou non d’un objectif de gestion (réponse d’une espèce aux aménagements de son biotope, réponse d’un habitat prairial à une gestion par le pâturage, etc…).

Si le gestionnaire a changé de mode de gestion avec l’intention de s’assurer un résultat particulier, il est envisageable de suivre la progression vers ce résultat. Le gestionnaire continuera à gérer une partie du site comme précédemment (parcelle témoin) et réalisera une analyse comparative des résultats obtenus dans la parcelle gérée et dans la parcelle témoin.

Lorsque l’objectif formulé est la non-intervention, un suivi peut être entrepris, destiné à mesurer la fourchette dans laquelle les milieux ou les populations varient. A terme, les informations recueillies permettront d’identifier des limites en deçà ou au delà desquelles une intervention du gestionnaire est souhaitable pour le bon fonctionnement écologique de l’espace naturel.

Evènement particulier

La problématique de l’étude peut aussi être liée à une conjoncture particulière. Par exemple, une modification subite du milieu par des facteurs non maîtrisables, des évènements rares ou phénomènes épisodiques (inondation, incendie, tempête, crues (Photo n°6)…). Le gestionnaire est alors confronté à une nouvelle problématique et il devra mettre en place des études visant à la compréhension du phénomène observé à la suite de cet événement. Il peut par exemple s’agir de «Suivre la recolonisation de la végétation après incendie ou pollution de diverses natures». Il peut également s’agir de déterminer si oui ou non certains évènements ont lieu et de mener des études visant à prouver les effets de certains facteurs. Par exemple, la plupart des suivis de l’eau sont réalisés pour détecter si une pollution a eu lieu.

Dans la RN du Lac Luitel, une des problématiques est le changement de la végétation des tourbières suite à la pollution engendrée par le salage des routes (la salinité crée un changement de la végétation).

Le fait d’identifier cette problématique de manière claire en se posant un certain nombre de questions permet de se fixer des objectifs en terme de suivi : que faut-il suivre et comment pour montrer l’impact négatif de cette pollution ?